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Étude RIO : les anticorps neutralisants à large spectre se la jouent solo

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Mai 2025 - Événements et premières scientifiques sont la règle lors de la CROI, et l’édition 2025 n’y a pas dérogé avec la présentation des résultats de l’étude RIO, lesquels montrent que l’administration combinée, en IV, de deux anticorps neutralisants à large spectre retarde de façon substantielle le rebound viral chez des personnes vivant avec le VIH qui ont interrompu leur traitement antirétroviral, fournissant ainsi des informations importantes sur les stratégies de rémission fonctionnelle du VIH.

À la recherche d’une alternative sérieuse au traitement antirétroviral quotidien

Depuis plusieurs décennies déjà, le traitement antirétroviral quotidien constitue la référence en matière de gestion du VIH, empêchant le virus de se reproduire et permettant aux personnes vivant avec le VIH de vivre longtemps et en bonne santé. Le traitement antirétroviral nécessite cependant une adhésion stricte car tout écart du suivi posologique scrupuleux peut entraîner un rebond viral, ainsi que l’émergence d’une résistance aux médicaments.

Les équipes d’investigateurs ont longtemps cherché des stratégies alternatives qui pourraient offrir aux personnes vivant avec le VIH une plus grande flexibilité dans la gestion quotidienne de leur traitement. Présentée lors de la CROI 2025, l’étude RIO s’est donnée pour objectif d’évaluer si deux anticorps neutralisants à large spectre, 3BNC117-LS et 10-1074-LS, pouvaient aider à maintenir la suppression virale chez les personnes atteintes du VIH après avoir arrêté le traitement antirétroviral. Alors que certaines études évaluent ces anticorps neutralisants en association avec des antiviraux à action prolongée pour le traitement du VIH, l’étude RIO s'est concentrée sur leur rôle potentiel dans le contrôle viral post-traitement et dans le cadre spécifique d'une stratégie de guérison du VIH.

Les anticorps à large spectre se la jouent solo

Menée conjointement au Royaume-Uni et au Danemark, l’étude RIO a inclus 68 participants. Pour être inclus, ces participants devaient avoir débuté leur traitement antirétroviral tôt, dès la primo-infection, ou avoir, au moment du diagnostic, un nombre minimal de CD4 fixé à 500. Ils devaient, de plus, présenter une charge virale indétectable depuis au moins un an lors de leur inclusion et disposer d’un nombre de cellules CD4>500 ou un rapport CD4/CD8 >1.

Ceux qui répondaient à ces critères rigoureux ont alors été répartis en deux groupes équipotents pour recevoir soit un placebo sous la forme de perfusions salines (groupe contrôle, n=34), soit des perfusions de formulations durables de deux anticorps neutralisants à large spectre (groupe actif, n=34). L'un de ces anticorps neutralisants est le 3BNC117-LS, lequel cible spécifiquement le site de liaison du virus qui permet à ce dernier de s’arrimer et d’infecter les lymphocytes CD4. L'autre est le 10-1074-LS, qui bloque une partie différente de l'enveloppe, la boucle V3.

Immédiatement après l’administration en IV de ces deux molécules (et du placebo), tous les participants ont interrompu leur traitement antirétroviral pour une « interruption analytique du traitement » (ATI). Le critère primaire d’évaluation était le taux de rebond viral 20 semaines après le début de l'ATI. La définition du « rebond » viral pour l’étude RIO était soit une charge virale de plus de 1.000 copies pendant au moins six semaines, soit deux charges virales consécutives de plus de 100.000 à au moins une semaine d'intervalle.

Résultats après 20 semaines sans traitement antirétroviral

A 20 semaines, on constate que 31/34 participants sous placebo ont effectivement présenté un rebond viral et ont, de ce fait, été replacés sous traitement antirétroviral classique. Seuls 3/34 participants sous placebo n’ont pas présenté de rebond, soit 8%.

Fait intéressant, deux de ces trois participants sous placebo n'ont toujours pas présenté de rebond viral après 120 semaine d’interruption du traitement antirétroviral. Ils sont, dès lors, considérés comme des contrôleurs post-traitement.

Au sein du groupe actif traité par anticorps neutralisants, seuls 12/34 ont présenté un rebond viral à la semaine 20. En d’autres termes, 65 % des 34 participants initiaux ont bien maintenu des charges virales inférieures à 1.000 copies ou, mieux, 75 % de ceux qui étaient encore dans l'étude car cinq participants ont été exclus de ce groupe actif qui se retrouve donc avec 29 participants. Il s'agit ici du taux le plus élevé de participants sans rebond viral jamais observé lors d’une étude menée avec des anticorps neutralisants à large spectre.

Une fois le critère principal de l’étude évalué à 20 semaines de suivi, les participants sous anticorps à large spectre qui étaient encore viralement supprimés ont reçu une seconde injection des deux anticorps neutralisants et ont poursuivis sans traitement antirétroviral. A la 48e semaine de suivi, 57 % des participants actifs n'avaient toujours pas présenté de rebond et, à la semaine 72, 39 % ne l'avaient toujours pas fait. Notons aussi que sept participants (24 %) n’ont jamais présenté de charge virale supérieure à 50 copies.

Un potentiel effet « vaccin »

Pour les investigateurs, la suppression virale observée ne peut s'expliquer uniquement par les niveaux d'anticorps neutralisants circulant chez les participants. Les deux anticorps ont, en effet, des demi-vies de neuf à dix semaines. Les participants auraient donc des valeurs sous-thérapeutiques à partir de la semaine 48. Des analyses complémentaires ont révélé que la quantité d'ADN proviral intact dans les cellules du réservoir des participants a diminué chez tous sauf un des 22 participants pour lesquels il a été mesuré. En même temps, la quantité d'ADN défectueux incapable de produire des virus vivants a légèrement augmenté. De plus, une sous-étude qui a utilisé trois tests différents pour mesurer les réponses des lymphocytes T au VIH chez les participants qui n'ont pas connu de rebond viral a révélé que l’intensité de ces réponses augmentait entre la semaine zéro et la semaine 36 après l'arrêt du traitement antirétroviral.

Ces différentes observations semblent indiquer que les anticorps neutralisants à large spectre ont fait plus que simplement neutraliser les particules virales. Ils ont eu un effet « vaccinal » en renforçant les réponses immunitaires des participants.

Un pas en avant dans la quête de la guérison

Pour l'instant, les résultats de l'étude RIO représentent un pas en avant très prometteur dans la recherche sur la guérison du VIH. Ils apportent des données précieuses sur la façon dont les anticorps neutralisants à large spectre pourraient être utilisés pour aider les personnes à contrôler le VIH sans antirétroviraux. Bien que le traitement antirétroviral demeure la stratégie la plus efficace pour gérer le VIH, ces résultats suggèrent que pour certains patients, les anticorps neutralisants à large spectre pourraient contribuer à l’élaboration de stratégies de guérison fonctionnelle, nous rapprochant ainsi d'un avenir plus riche en options de traitement et de rémission.

Réf : Fidler S. et al. Abstract 107. CROI 2025, San Francisco.

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Écrit par Dr Jean-Luc Schouveller

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