L’Absym et le Cartel proposent au gouvernement une économie structurelle et récurrente de 114 millions d'euros
Lors d’une réunion avec les syndicats de médecins, le ministre fédéral de la Santé a exprimé son souhait de recevoir des propositions concrètes d’économies pour équilibrer le budget santé 2025-2026. L’Absym et le Cartel (ASGB-GBO-Modes) ont formulé une proposition concrète, largement soutenue par la base, visant à réaliser une économie structurelle et récurrente d’au moins 114 millions d’euros.
Cette économie peut être réalisée par une indexation des tickets modérateurs des consultations chez le médecin généraliste. Les tickets modérateurs actuels (1 euro pour les patients ayant droit à une intervention majorée, 4 euros pour les autres) n’ont pas été indexés depuis 20 ans. Une indexation historique de ces tickets modérateurs pour les consultations, combinée à une indexation partielle des tickets modérateurs pour les visites à domicile, permettrait à l’État de réaliser une économie d’au moins 114 millions d’euros, rien que pour le budget des généralistes. Si cette indexation est également appliquée aux consultations des spécialistes, une économie supplémentaire significative pourrait être réalisée.
Cette proposition présente trois avantages majeurs :
- Elle permet de réaliser une économie annuelle significative et donc structurelle d’au moins 114 millions d’euros à partir de 2026 ;
- Elle respecte la capacité financière des patients puisque les salaires, le pensions et les allocations sont également indexés ;
- Elle permet de mieux responsabiliser les patients en les incitant à ne consulter leur médecin généraliste qu’en cas de nécessité.
"Une économie substantielle, des patients plus responsables et plus de place pour des soins de qualité."
Concrètement, l’indexation du ticket modérateur permettrait de contribuer aux économies imposées à notre secteur en 2026 (62 millions), mais surtout de financer largement des initiatives visant à soutenir la MG dont la revalorisation des honoraires de garde et le financement durable des phono-consultations (dont l’intérêt en termes d’accessibilité aux soins n’est plus à démontrer). Les véritables obstacles à l’accès aux soins méritent toute notre attention mais, dans le cas de la médecine générale, ils ne proviennent généralement pas de problèmes financiers mais sont plutôt liés à la pénurie de médecins généralistes, au coût parfois exorbitant de certains médicaments et examens médicaux, …
L’Absym et le Cartel sont convaincus que le ministre et les autres membres du gouvernement fédéral évalueront favorablement les propositions et reconnaîtront les avantages des mesures proposées : une économie substantielle, des patients plus responsables et plus de place pour des soins de qualité.
La réaction de la Mutualité chrétienne
Pour Elise Derroitte, vice-présidente de la Mutualité chrétienne (MC), « cette mesure pénalise les malades chroniques et les personnes à faibles revenus. Voulons-nous vraiment qu’ils renoncent à consulter leur médecin généraliste faute de moyens ? »
La MC se dit extrêmement préoccupée par la proposition de l’Absym et du Cartel. Ces derniers avancent que la mesure permettrait une économie de 114 millions d’euros, notamment en décourageant les consultations jugées trop fréquentes. Mais pour la MC, ce raisonnement est dangereux. « Si toutes les professions de santé adoptent une telle logique, cela se traduira par une hausse significative des coûts pour les patients, sans aucune amélioration en termes de qualité ou d’accessibilité des soins. En répartissant les économies envisagées – environ un milliard d’euros – sur l’ensemble de la population, chaque Belge devra débourser en moyenne 83 euros de plus de sa poche au cours de cette législature », souligne Elise Derroitte. Qui rappelle une réalité souvent ignorée : « Le ticket modérateur n’est pas la seule contribution des patients. Ils financent aussi la sécurité sociale à travers leurs salaires et leurs impôts, précisément pour garantir un accès abordable aux soins. » À cela s’ajoutent fréquemment des suppléments, car un nombre croissant de médecins se déconventionnent, ce qui renforce encore la charge financière pour les patients.
Malades chroniques et faibles revenus en première ligne
L’impact de cette mesure serait particulièrement lourd pour les personnes atteintes de maladies chroniques : « Imaginez un patient qui suit un traitement de longue durée, avec par exemple une dizaine de séances de kinésithérapie : à chaque fois, il doit payer un ticket modérateur. Plus son état de santé est dégradé, plus il paie. »
Selon les dernières données de Sciensano, 32 % des Belges souffrent d’une affection chronique. « L’indexation des tickets modérateurs est une mesure profondément injuste : elle fait payer davantage les plus fragiles. Les maladies chroniques touchent davantage les personnes âgées, les femmes et les personnes en situation de précarité. » Cette mesure frappera aussi de plein fouet les ménages aux revenus modestes. « Pour eux, chaque euro compte. Ce ne sont pas de "petites sommes" : la part de leur revenu consacrée aux soins est déjà disproportionnée. »
Effet dissuasif coûteux à long terme
La MC rappelle qu’un obstacle financier peut entraîner un report, voire un renoncement aux soins : « Lorsque des personnes hésitent à consulter leur médecin de peur de ne pas pouvoir payer, elles attendent que leur situation se dégrade. Résultat : des soins plus lourds, plus complexes, et plus coûteux pour la société », avertit Me Derroitte. Il est impératif que les soins de première ligne restent accessibles à tous. « Le raisonnement des syndicats médicaux est court-termiste. Il ne tient aucun compte des effets à long terme sur la santé publique et de l’équilibre du système. »