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Dr Patrick Emonts : « Je suis prêt et dispos pour la présidence de l’Absym »

Deuxième prétendant avec Gilbert Bejjani à la présidence de l’Absym, le Dr Patrick Emonts, gynécologue-obstétricien (CHU de Liège), se dit prêt pour cette fonction exigeante, chronophage, énergivore et pleine de frustration. Il est en effet émérite niveau enseignement, conserve une pratique clinique et a présidé à diverses commissions et organisations. Mais il ne demande rien et se dit sans pression. Il veut seulement servir sa profession et améliorer la vie de ses confrères. Tout en défendant une médecine libérale et non étatisée.

Le journal du Médecin : Pourquoi vous lancez-vous aujourd’hui dans cette élection à la présidence de l’Absym, un poste exigeant, chronophage, parfois frustrant ?

Dr Patrick Emonts : C’est une excellente question. Pour moi, c’est le bon moment. D’abord parce que je suis devenu émérite depuis le 30 septembre dernier : j’ai quitté mes fonctions de professeur d’université et de chef de service. Cela me libère du temps – et ce n’est pas anodin, car pour s’occuper sérieusement de l’Absym, il faut au minimum vingt heures par semaine, comme me l’avait dit le président honoraire Jacques De Toeuf.

Ensuite, je reste actif sur le terrain : je continue à pratiquer la médecine clinique. C’est important pour moi de garder ce lien direct avec les réalités du métier. Je ne suis pas un technocrate détaché de la base.

Vous avez aussi une longue expérience syndicale et associative…

Oui, j’ai eu la chance d’occuper à peu près tous les postes qu’on peut exercer dans un parcours médical engagé. J’ai commencé comme médecin généraliste – je suis de l’ancienne génération – et j’ai exercé comme tel à ma sortie en 1986. Je connais donc bien les réalités et les attentes de la médecine générale. J’ai aussi donné cours en master aux futurs généralistes : je sais ce qu’ils veulent et ce dont ils ont besoin dans leur formation.

Par ailleurs, j’ai présidé le Collège des gynécologues-obstétriciens, tant au niveau wallon qu’au niveau fédéral. Un vrai défi, car ce groupe est très hétérogène : entre ceux spécialisés en chirurgie, en endocrinologie, en procréation ou en obstétrique, les sensibilités sont différentes. Mais j’ai réussi à fédérer ces professionnels autour de projets communs et à améliorer la communication vers l’extérieur.

Depuis un an, je suis administrateur de l’Absym Wallonie. Je participe activement à plusieurs commissions stratégiques, comme la Médico-mut, le Conseil fédéral médecins-hôpitaux, la Commission qualité des soins... J’ai aussi eu l’occasion de discuter à plusieurs reprises avec le ministre à la rue de la Loi, en tant qu’administrateur. Bref, je connais les rouages, et je suis prêt.

Le candidat idéal

 Vous êtes donc le candidat idéal ?

Je ne prétends pas être « le » candidat idéal, mais je pense être capable de fédérer. C’est ce que j’ai toujours fait dans mes fonctions précédentes. Je ne me présente pas par ambition personnelle : je propose simplement mes services. Si je ne suis pas élu, ce ne sera pas un échec pour moi. Je poursuis mes engagements ailleurs : en médecine humanitaire, en expertise médicale…

Mais je pense pouvoir être utile à l’Absym. Parce que je connais les dossiers, les réalités du terrain, et que j’ai l’habitude de travailler avec des équipes aux profils variés. Et surtout, parce que je suis encore un médecin actif. Je ne suis pas un retraité désengagé.

Que répondez-vous à ceux qui disent que l’Absym est une structure conservatrice, un peu « vieille Belgique » ?

C’est vrai qu’il y a une image traditionnelle attachée à l’Absym. Mais dans l’arrière-garde, il y a aussi des gens précieux. Je pense à Jacques De Toeuf, par exemple, qui connaît parfaitement les rouages. Ce type de savoir est utile.

Cela dit, la génération actuelle est très différente. Les jeunes médecins veulent une meilleure qualité de vie, des horaires soutenables, et sont beaucoup plus mobiles. Ils partent malheureusement à l’étranger parce qu’ils ont le sentiment qu’ils n’ont plus leur place ici. Et pourtant, nous avons une médecine exceptionnelle, des étudiants brillants et engagés. Il faut les écouter.

 « Notre communication est clairement à revoir. »

Et la communication ? L’Absym a souvent été perçue comme peu lisible ces dernières années, surtout côté francophone…

La communication est clairement à revoir. Elle est aujourd’hui défaillante. Lorsque j’étais président du Collège des gynécologues, j’ai travaillé avec une société de communication parce que je constatais que nous étions inconnus du grand public, et mal compris par les professionnels. C’est exactement le même problème à l’Absym : il faut que la base sente qu’elle est entendue, représentée, défendue.

La reconnaissance du médecin comme professionnel de terrain, comme indépendant, est essentielle. Il faut recréer ce lien, pas par des slogans, mais par du contenu, du contact, et une vraie stratégie de visibilité.

La concertation avec les pouvoirs publics semble aussi grippée…

Oui. On est face à un ministre qui agit comme un bulldozer, sans fibre médicale. Il oppose les soignants au reste de la société, laisse entendre que les médecins ne pensent qu’à l’argent. C’est injuste et contre-productif. Il fallait des réformes, c’est évident, mais on ne peut pas écraser la valeur du médecin comme acteur de santé et entrepreneur responsable. Aujourd’hui, les soignants sont épuisés, dévalorisés. Et le dialogue est au point mort.

 Le conventionnement conditionnel, une dérive inacceptable

 Vous avez vivement réagi à la déclaration récente du ministre Vandenbroucke, liant les moyens syndicaux au taux de conventionnement.

Oui, et à juste titre. Cette approche est tout simplement inacceptable. Si on applique cette logique, pourquoi ne pas imposer aux syndicats comme la FGTB ou la CSC des conditions similaires, en liant leur financement à la discipline de leurs affiliés vis-à-vis du gouvernement ? Dans une démocratie, un contre-pouvoir doit rester indépendant. Sinon, ce n’est plus une démocratie.

Nous assistons à une dérive autoritaire : le ministre, en vertu de ses prérogatives, peut proposer au Parlement ce qu’il veut, sans véritable contestation. C’est une concentration de pouvoir inquiétante. Il agit de manière technocratique, froide, sans considération pour le terrain, sans concertation réelle.

Il faut aussi souligner la manière dont certaines réformes passent au Parlement : sous couvert de « corrections techniques » dans des paquets législatifs complexes, des mesures lourdes de conséquences sont glissées entre les lignes, et les parlementaires n’ont même pas le temps de les analyser sérieusement. C’est une méthode insidieuse, mais redoutablement efficace.

 « Nous sommes en 2025. Avec l’intelligence artificielle et la traduction simultanée, il n’y a plus d’excuse pour des malentendus. »

 Et la dimension communautaire ? Faut-il être bilingue pour présider l’Absym ?

Je me suis posé la question. Je suis bilingue – francophone/allemand mais à l’aise en néerlandais. Je peux tenir une conversation à la côte belge avec un voisin, sans problème. Mais soyons honnêtes : quand on discute de dossiers complexes comme l’avenir de la médecine, chacun est plus précis et plus nuancé dans sa langue maternelle. Il faut se comprendre parfaitement.

Nous sommes en 2025. Avec l’intelligence artificielle et la traduction simultanée, il n’y a plus d’excuse pour des malentendus. Ce qui compte, c’est d’avoir autour de soi des personnes de confiance qui peuvent porter le message dans leur langue avec justesse. Et c’est ce que je ferai : m’entourer de personnes parfaitement néerlandophones qui sauront faire passer notre vision de manière authentique.

Deux hommes se présentent à la présidence… La place des femmes à l’Absym ?

C’est une priorité, et ça me touche personnellement. Je suis gynécologue. J’ai consacré toute ma carrière à la santé des femmes. J’ai accouché plus de 7.000 patientes. J’en reçois encore régulièrement, dans mes jours d’activité clinique.

J’ai été actif dans la commission sur la révision de la loi sur l’IVG. J’ai défendu les droits des femmes au Parlement. Et ce n’était pas un engagement de façade. J’ai aussi été invité à l’ONU pour parler de la condition des femmes. Et j’ai une épouse iranienne : je connais de près la lutte pour la liberté que mènent les femmes dans ce pays. Ce combat me touche profondément.

Dans ma future équipe, si je suis élu, il y aura évidemment des femmes médecins. Des profils comme celui d’Élodie Brunel, en médecine générale, sont essentiels. Elle est brillante, engagée, et représente parfaitement cette nouvelle génération que l’Absym doit écouter et intégrer pleinement.

 Trois priorités pour la présidence

 Si vous deviez dégager trois grands chantiers prioritaires, quels seraient-ils ?

1/Refonder l’unité médicale. Aujourd’hui, la division affaiblit toute la profession. Nous ne pouvons être forts que si nous sommes unis. Il est urgent de rassembler toutes les forces médicales, de dépasser les querelles internes, et de faire bloc pour défendre notre avenir commun.
2/Revaloriser la communication. L’Absym souffre d’un déficit d’image, mais surtout d’un manque de dialogue avec sa base. Il faut reconstruire une relation de confiance avec les médecins. Il faut que la base sache qu’elle est entendue et représentée. Cela passe par une stratégie de communication moderne, transparente et ciblée.
3/Rétablir la concertation avec les autorités. Nous avons besoin d’un dialogue honnête et constructif avec le politique. Mais aujourd’hui, la concertation ne fonctionne plus. Elle est unilatérale, imposée, technocratique. Il faut revenir à une logique de respect mutuel et de co-construction des politiques de santé.
 

Les Chambres se chamaillent, en particulier Bruxelles et Wallonie. En Flandre également…

Oui. La première urgence, c’est de recréer une cohésion entre les différentes chambres de l’Absym. Chaque entité doit être respectée dans son identité, ses particularités, mais sans entrer dans une logique de coalition ou de fragmentation. Il faut un vrai travail d’orchestration coordonnée, où chacun a sa place, et où le président joue un rôle de fédérateur. Il ne s’agit pas de mettre des chambres en concurrence : l’Absym doit parler d’une seule voix.

Dans le même esprit, je défends une vision du médecin comme entrepreneur libre et éthique. Pas une médecine d’État, technocratique, mais une médecine engagée, autonome, responsable. Les questions de budget, de convention, de suppléments d’honoraires… ce sont des chantiers à traiter de front, mais avec méthode.

Trois ans, c’est court…

Oui. Il faut éviter la dispersion, ne pas lancer dix combats à la fois. Se concentrer sur quelques priorités transversales, valables pour toutes les disciplines, y compris la médecine générale, que je défends depuis toujours.

Plutôt que de compenser les difficultés par du volume, il faut revaloriser la qualité du travail médical, rééduquer aussi le patient à mieux comprendre les limites du système et l’importance du soin. Le généraliste est un pilier de la première ligne : il doit être soutenu et respecté à la hauteur de ce rôle.

 Travailler dans l’union, sans rivalité

 Un mot sur votre relation avec Gilbert Bejjani, également candidat et que nous avons récemment interviewé ?

Nous avons un bon contact. On se parle. Je lui ai dit : « Nous ne sommes pas concurrents. Nous proposons chacun nos services. » Quelle que soit l’issue du scrutin, il faudra travailler ensemble. Il a une bonne connaissance de certains dossiers ; j’en ai d’autres. L’union fait la force. C’est la devise de notre pays, et cela doit être celle de la profession. Tout est fait pour nous diviser. Ne tombons pas dans ce piège.

Quand j’ai pris la présidence de la Société royale belge de gynécologie-obstétrique, je l’ai dit clairement : On ne nous entendra que si nous sommes unis. Je tiens le même discours ici.

Et la campagne ? Y aura-t-il un débat entre candidats dans les bureaux de l’Absym ou ailleurs ?

Il n’y a pas de grand débat officiel prévu par l’Absym à ce stade. C’est une bonne idée, que vous suggérez là, mais c’est trop tard pour l’élection actuelle. Il reste peu de temps. De toute façon, je suis encore très pris par mon activité clinique.

Cela dit, j’ai déjà participé à quelques discussions, notamment au sein du comité de direction. Et je trouve qu’un débat réel, dans un cadre bien structuré, serait une excellente initiative pour l’avenir. Que ce soit moi ou un(e) autre président(e), j’aimerais que l’on organise ce type d’échanges régulièrement.

 « La presse médicale est un acteur essentiel de la communication dans notre secteur. »

 Et sur le terrain ?

Je participe à deux événements dans les prochaines semaines. D’abord, aux Journées liégeoises de gynécologie, où j’interviendrai sur l’organisation des soins de santé, les budgets, les nomenclatures en mutation. Ensuite, lors d’un grand symposium du Collège à Namur, destiné à tous les gynécologues francophones.

Ce sont des occasions précieuses d’échanger avec les collègues, de faire passer des messages, et de rester connecté aux réalités du terrain. Et si vous souhaitez couvrir ces événements, vous êtes évidemment les bienvenus.

Quid de la presse médicale ? Toujours indispensable à l’heure des réseaux sociaux ?

Je vous remercie de l’attention que vous portez à cette élection. J’ai toujours eu beaucoup de respect pour la presse médicale. Vous êtes un acteur essentiel de la communication dans notre secteur. Parfois mal compris, souvent sollicité dans l’urgence, mais indispensable. Vous êtes ce "quatrième pouvoir" qui permet parfois de débloquer des situations. Et dans un monde où la parole des médecins est trop souvent brouillée, votre relais est crucial.

Je ne me présente pas avec une pression personnelle. Je propose mes services, avec mon expérience, mon énergie et ma volonté de travailler de façon constructive. Si ce n’est pas dans cette fonction, ce sera dans une autre. Mais ce qui m’importe, c’est de faire avancer la profession – ensemble.

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Écrit par Un entretien de Nicolas de Pape

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