
Cancers : ce que la Wallonie met (et ne met pas encore) en place en matière de prévention
Du dépistage organisé à la prévention solaire en milieu scolaire, la Région wallonne renforce certains dispositifs, mais reste attendue sur d’autres, comme la sensibilisation au cancer de la prostate chez les jeunes hommes.
La prévention du cancer a fait l’objet de quatre questions parlementaires en commission Santé wallonne, le 27 mai dernier. L’occasion de dresser un état des lieux contrasté des politiques régionales en la matière.
Cancers de la peau : priorité à la prévention chez les jeunes
Avec plus de 50.000 nouveaux cas recensés chaque année en Belgique, le cancer de la peau est aujourd’hui le cancer dont l’incidence augmente le plus rapidement. Cette tendance préoccupante a motivé plusieurs questions parlementaires, notamment celles d’Anne Laffut (MR) et de Sophie Fafchamps (Les Engagés), qui ont mis l’accent sur la vulnérabilité des jeunes face aux UV.
Selon une enquête de la Fondation contre le cancer relayée lors de la séance, plus de 70 % des jeunes de 12 à 18 ans ont pris au moins un coup de soleil l’an dernier. Et seulement 6 % des écoles disposent d’une politique solaire structurée. Un constat que Sophie Fafchamps juge alarmant : « Des coups de soleil durant l’enfance augmentent significativement le risque de développer un cancer de la peau à l’âge adulte. »
Yves Coppieters, ministre wallon de la Santé, rappelle les actions existantes en Wallonie, comme la campagne annuelle menée avec Euromelanoma, ou encore le programme « Écoles futées au soleil », qui vise à sensibiliser les élèves aux bons réflexes dès le plus jeune âge. Il insiste également sur les messages de prévention saisonniers, notamment entre mai et août, relayés via les établissements de soins.
Cependant, le ministre a écarté l’idée d’un dépistage systématique du mélanome, préférant mettre l’accent sur l’autoexamen mensuel et sur les consultations dermatologiques, notamment lors des journées gratuites proposées par certains spécialistes. « Le dépistage de ce type de cancer repose essentiellement sur la vigilance individuelle et l’accès facilité à la dermatologie », précise-t-il.
Un angle que la députée Les Engagés soutient, tout en appelant à élargir la prévention au-delà des vacances d’été : « Que la protection solaire devienne un réflexe quotidien, comme se brosser les dents. »
Cancer de la prostate : un dépistage encore sans stratégie ciblée
À l’inverse de la dynamique observée pour les cancers cutanés, le cancer de la prostate ne fait l’objet d’aucune campagne spécifique en Wallonie, malgré des signaux préoccupants sur l’évolution de sa prévalence chez les hommes de moins de 60 ans. C’est ce qu’a voulu souligner la députée Sabine Roberty (PS), en évoquant à la fois le caractère silencieux de la pathologie à ses débuts et le tabou persistant autour de la prostate.
« Les hommes n’ont pas cette habitude de se faire dépister. Ils n’ont même pas celle d’en parler », regrette-t-elle, appelant à un sursaut politique et culturel. Pour elle, la prévention devrait inclure des actions de sensibilisation dès 45-50 ans, en miroir des campagnes organisées pour les cancers féminins.
Yves Coppieters a rappelé qu’une question écrite récente avait déjà permis de clarifier la position du Gouvernement wallon : le cancer de la prostate ne fera pas l’objet d’un dépistage organisé, à la différence du sein, du col de l’utérus et du côlon. Il insiste sur le fait que le dépistage opportuniste en première ligne suffit dans l’état actuel des connaissances : « Ce modèle est jugé efficace. »
Ce choix s’explique par les controverses persistantes autour du dosage du PSA (antigène prostatique spécifique), dont les effets en termes de surdiagnostic et de surtraitement sont encore débattus. Toutefois, le ministre n’a pas exclu qu’un jour, d’autres formes de sensibilisation puissent être envisagées si les données épidémiologiques l’exigeaient.
Un argument jugé insuffisant par Sabine Roberty, qui estime que la faible visibilité médiatique du sujet pénalise l’engagement des hommes dans leur santé : « Il n’y a pas de cancer plus important qu’un autre. Si l’on dit à quelqu’un qui souffre d’un cancer de la prostate que c’est moins grave qu’un mélanome, cela ne va pas. »
Des maisons de ressourcement reconnues mais encore précaires
Isabella Greco (PS) a plaidé pour un soutien structurel aux maisons de ressourcement, ces lieux d’accompagnement non médicaux où les patients atteints d’un cancer peuvent reprendre pied grâce à des activités physiques, sociales ou artistiques.
Yves Coppieters a confirmé la reconduction du financement de 11 maisons déjà soutenues, à hauteur de 60.000 euros chacune pour 2025, principalement pour des postes de coordination. Ces montants s’inscrivent dans la lignée de l’initiative lancée sous la précédente législature par Christie Morreale. « Ces maisons interviennent dès l’annonce du diagnostic et, pour certaines, accompagnent jusqu’à cinq ans après », rappelle le ministre. Elles s’inscrivent dans une logique de prévention tertiaire, visant à améliorer la qualité de vie après le diagnostic.
Cependant, ce soutien reste hors du budget de la prévention santé, qui ne couvre que les volets primaire et secondaire. Pour l’heure, le financement reste ponctuel et conditionné : une évaluation indépendante menée par la Fondation Roi Baudouin et la KU Leuven est attendue pour juillet, avec en ligne de mire l’élaboration de conventions pluriannuelles pour 2026. Objectif affiché : garantir un accès équitable, éviter toute marchandisation et inscrire ces structures dans un cadre durable.
Pour la députée PS, c’est une urgence. Elle rappelle que l’activité physique adaptée peut réduire la récidive de cancer de 24 %, voire de 39 % pour le cancer colorectal : « Ces lieux ne sont pas un luxe, ils sauvent des vies. »